Ce constat est évidemment basé sur le dernier dénombrement effectué chez la population itinérante et qui chiffrait à 464 le nombre de personnes sans domicile. On parle d’une population composée à 70 % d’hommes et à 26 % de femmes, âgés de 30 à 65 ans dans une proportion de 75 % à lesquels s’ajoute 20 % de jeunes âgés de 18 à 30 ans et de 5 % de personnes âgées de 65 ans et plus.
Encore une fois, ce sont là les données probantes recensées en 2022 alors que le prochain dénombrement aura lieu cette année, en 2025. Mais déjà en 2022, on enregistrait une hausse de 109 %.
« Dans la région des Laurentides, tous s’entendent, les partenaires intersectoriels, interministériels et communautaires, pour dire qu’il y a eu une augmentation de l’itinérance depuis 2022. On peut penser que si l’on recule jusqu’en 2018, c’est sûr que la hausse est beaucoup plus que 109 % ou du moins que l’accroissement est toujours en cours », affirme Émilie Contant, cheffe d’administration du programme régional ESPOIR, du programme régional du Réseau d’éclaireurs en santé psychologique et des dossiers transversaux, au CISSS des Laurentides.
Précarité contextuelle
C’est que si les problèmes de santé mentale ou de dépendance à l’alcool et aux drogues expliquaient en grande partie le phénomène de l’itinérance, ils ne sont plus les seules causes qui mène une personne dans la rue. La Crise du logement a entraîné une crise sociocommunautaire majeure. Avec un taux d’inoccupation très en deça du minimal 3 %, le marché locatif subit une hausse démesurée du coût du loyer.
Voilà donc un contexte favorisant la précarité et même la très grande précarité, ce qui nous force à redéfinir le terme même d’itinérance. Et face à ce phénomène croissant, il convient de parler de ne plus de qualifier «d’itinérant» une personne en situation d’itinérance, tant l’impuissance contextuelle force la nuance.
La précarité est multifactiorielle : rupture, problèmes de voisinage, de santé mentale, de consommation. Alors lorsqu’un déménagement s’annonce nécessaire et que de trouver un nouveau logement s’annonce comme une véritable odyssée, la précarité peut facilement s’accentuer jusqu’à la rue.
Programme ESPOIR
Voilà du moins les explications d’Émilie Contant, qui pilote le programme ESPOIR. Ce programme a été mis en place en avril 2022 et comporte le suivi d’individus en situation d’itinérance par une équipe multisectorielle, composée de dix ‘intervenants cliniques spécialisés en itinérance, en dépendance et en santé mentale, dont des infirmières cliniciennes, spécifie Émilie Contant.
« C’est une équipe de suivi de proximité qui vont à l’extérieur et vont à la rencontre des personnes en situation d’expérience là où ils se trouvent : dans la rue, dans les campements, dans les organismes communautaires. Et avec l’équipe, on a le soutien d’une psychiatre et d’un médecin généraliste pour nous aider justement à favoriser l’accès aux soins du sud des Laurentides », explique Mme Contant.
« L’équipe travaille de pair avec tous les partenaires communautaires de la région pour faciliter la réaffiliation et faciliter l’accès aux services et va à la rencontre des gens pour les rediriger le plus possible vers soit les organismes communautaires, soit les services du sud des Laurentides, Et c’est plus de 600 personnes dans la dernière année, (d’avril 2023 à avril 2024) qui ont pu bénéficier des services du programme ESPOIR qui a relocalisé les gens soit en logement ou en chambre de façon permanente. Plus de 110 personnes ont été relocalisées de façon permanente. Et je peux vous dire qu’actuellement, les chiffres vont être plus élevés cette année. On rejoint plus de personnes jusqu’à présent dans la ville. »
« Il y a des organismes qui font aussi du suivi de stabilité résidentielle. Une fois qu’on les place en logement ou en chambre, on s’assure de conserver un lien et le suivi pour ne pas qu’il y ait un retour à la vie. Il y a plusieurs organismes dans la région qui offrent ces différents services pour un continuum complet. Le programme ESPOIR s’inscrit dans ce continuum-là et facilite les arrimages des organismes, des personnes en situation d’itinérance avec les programmes de services du CISSS des Laurentindes, notamment au niveau de la santé mentale. »
Logement social, la clé
Mme Contant affirme que de plus en plus de propriétaires privés collaborent avec l’équipe d’intervenants pour offrir un logement. Mais le logement social reste la clé de la solution.
« Il en faudrait plus, il n’y en a pas assez dans la région, convient Mme Contant. C’est sûr qu’en fait, il y a plusieurs réponses à l’itinérance, il y a plusieurs solutions structurantes. Le logement social en fait partie certainement. »
Mais la solution structurante, c’est que c’est le continuum de services qui est le plus aidant, que ce soit justement des équipes de proximité, du travail de rue, aller à des haltes chaleurs, des hébergements transitoires, des appartements supervisés avec l’accompagnement psychosocial. C’est vraiment tout ce continuum de services-là qui est une solution à l’itinérance.
Reste à financer adéquatement les ressources nécessaires du programme ESPOIR pour répondre aux besoins actuels croissants qui surpassent leur disponibilité.
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Itinérance Saint-Eustache et environs
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