Pour certains, cette journée de commémoration était l’occasion de tenter de tourner la page, mais de demander aussi des excuses au gouvernement fédéral. L’ex-députée péquiste de Mirabel, Denise Beaudoin, a d’ailleurs profité de la présentation d’un projet de mémoire collective pour justement demander ces excuses.
«Lorsque nous recueillons des témoignages, il y a toujours une phrase qui revient: Mme Beaudoin, ça nous prend des excuses. Aujourd’hui, c’est une belle journée. La ministre Joly a annoncé une bonne nouvelle. Elle a parlé de réconciliation. Je me sens à l’aise de dire que dans un processus de réconciliation, il doit avoir des excuses. Et je suis tout à fait à l’aise de les demander au nom de tout le monde ici» , a déclaré Mme Beaudoin, au terme d’une cérémonie de commémoration qui a duré presque trois heures et qui aura permis à quelques-uns de prendre la parole au micro.
En mémoire de leurs parents
Mais, avant les discours, les participants sont arrivés à la salle paroissiale à partir de 13 h; certains ont planté dans la neige des pancartes pour rappeler aux libéraux qu’ils avaient l’occasion de «mettre fin» au dossier et à «50 ans d’injustice» ; une allusion au fait qu’il reste toujours 748 acres à rétrocéder.
Une dame avait d’ailleurs apporté une petite pancarte disant qu’il y a longtemps que «nous sommes prêts à régler» et demandant au ministre des Transports, Marc Garneau, s’il était, lui, prêt à régler. Cette dame qui réside maintenant à Saint-Jérôme, Pauline Huot, dont les parents – aujourd’hui décédés, ont été expropriés en 1969, souhaite récupérer environ 200 acres des terres familiales.
«On avait une érablière et mon père produisait beaucoup de légumes qu’il allait vendre un peu partout. Il avait un kiosque de fruits et légumes à Saint-Canut. On avait tout pour bien vivre. C’est important de récupérer ces terres en mémoire de nos parents. C’est une affaire de rien que de finaliser cela. Moi, j’ai monté tout un dossier depuis que M. Harper a décidé de remettre, en 2006, 11 000 autres acres. Nos terres sont là-dedans» , de mentionner Mme Huot, en montrant ce dossier.
Renouer, se rappeler
À l’intérieur de la salle paroissiale, c’était l’occasion pour plusieurs de renouer, mais aussi de replonger dans ces années d’expropriation. Fille de Jean-Paul Raymond, qui a mené la bataille et réussi à ce que ces 80 000 acres soient rétrocédées par le gouvernement conservateur en 1985, Martine Raymond était sur place pour vendre le livre La mémoire de Mirabel, que son père et Gilles Boileau avaient publié en 1988.
«Quand je passe à côté de l’aéroport, c’est sûr que j’ai un gros motton dans la gorge. Cela a changé complètement nos vies. On a perdu beaucoup, surtout en qualité de vie» , de témoigner celle-ci.
À ses côtés, la géographe Suzanne Laurin, originaire de secteur de Saint-Benoît, et auteure du livre L’échiquier de Mirabel. «C’était pas mal politique que cette immense expropriation de 97 000 acres, avec la montée de l’indépendantisme, la présence du FLQ à l’époque» , d’indiquer Mme Laurin.
Ailleurs dans la salle, Maurice Lalande et sa sœur Marjolaine Lalande souhaitaient rendre hommage à leurs parents, et à leur père, décédé trois ans après cette expropriation. «C’était une belle ferme de trois générations. Moi, j’étais le seul garçon de la famille et je devais prendre la relève. L’expropriation a marqué notre enfance. Ç’a été un drame familial. Après le décès de mon père, nous sommes déménagés à Saint-Eustache. Cela m’a surtout fait réaliser qu’on n’est jamais chez nous» , de relater M. Lalande, quelques minutes avant le début des discours.
À la tribune, on a ainsi pu entendre Sylvie Deschambault, présidente du Comité pour les expropriés de Mirabel mis en place pour commémorer ces 50 ans d’expropriation, Rita Lafond, expropriée et porte-parole du Comité d’information et d’animation communautaire (CIAC) qui a lutté pour la rétrocession des 80 000 premières acres, Claude Cadieux, l’un des membres du Comité pour les expropriés, Marcel Denis, du syndicat de base de l’UPA de Sainte-Scholastique-Mirabel, qui a pris la relève pour la rétrocession de 11 000 autres acres, ainsi que Denise Beaudoin et Françoise Drapeau-Monette, codirectrices d’un projet de mémoire collective qui se traduira par la création d’un Centre d’Interprétation et de consultation sur l’expropriation.
Bonne nouvelle pour Maison Jean-Paul-Raymond
Aussi, la ministre libérale du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly, est venue annoncer que le gouvernement du Canada avait décidé de lever toutes les clauses limitatives entourant la revente et l’utilisation de la maison Jean-Paul-Raymond, qu’a achetée en 1989 pour 1 $ le syndicat de base de l’UPA de Sainte-Scholastique–Mirabel; une nouvelle accueillie favorablement par M. Denis, pour qui il s’agit d’un «autre petit pas en avant» , mais toujours déçu que le dossier de la rétrocession des terres expropriées ne soit pas encore réglé.
Cinquante ans plus tard, toutes les pages de cette longue saga n’ont donc pas toutes été tournées, et c’est l’actuel gouvernement fédéral qui pourrait bien régler les choses une fois pour toutes en complétant cette rétrocession… et en présentant ces fameuses excuses!
C’était du moins le souhait de toutes ces personnes venues commémorer ces 50 ans d’expropriation.
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