Encore trop nombreux sont les hommes, principalement, qui banalisent l’exploitation sexuelle des mineurs. On a qu’à visiter un bar de danseuses ou à assister à l’enterrement de vie de garçon d’un ami pour le constater. Pires encore, sont ces proxénètes sans pitié pour leurs victimes d’âge mineur, qu’ils exploitent sans limites dans l’unique but d’engraisser leur portefeuille, sans penser aux conséquences désastreuses de leurs gestes sur l’avenir des jeunes filles utilisées.
Ces situations, d’insister Lucie Lecours, ont été trop longtemps vues comme de la prostitution juvénile alors qu’on parle vraiment d’exploitation sexuelle de mineurs.
«Le rapport de force entre une victime et les clients abuseurs n’est pas égal, dit-elle. Les jeunes victimes sont ‘brainwashées’. Elles ne se sentent même pas comme étant des victimes dans plusieurs cas. Et à partir du moment où elles veulent s’en sortir, ça devient extrêmement difficile.»
À glacer le sang
La télésérie Fugueuse, présentée en 2018, sur les ondes de TVA, a mis en lumière certains aspects du proxénétisme et de l’exploitation sexuelle des mineurs. La façon de les recruter a, entre autres, été abordée dans cette fiction «qui dépasse la réalité», de dire Lucie Lecours.
«Nous avons eu beaucoup de séances de travail sur le ‘dark web’, sur la façon dont les victimes sont hameçonnées. C’est assez hallucinant. C’est à glacer le sang. Tout part du fait que l’on banalise cela, dans notre société.»
Des témoignages entendus à huis clos par Lucie Lecours et ses acolytes, à Québec, Montréal et Val-d’Or, au cours des 18 mois qu’ont duré les travaux de la commission, les ont laissés sans mot.
«C’est inimaginable le nombre de personnes que cela affecte; les victimes comme leurs parents, et ce, quelle que soit leur profession. Les gens cherchent des services, mais ils n’en trouvent pas. Pour une personne qui cherche de l’aide, c’est difficile de trouver le bon organisme au bon moment».
Recommandations
Des 58 recommandations émises par la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineurs, y figure évidemment l’élaboration d’une vaste campagne de sensibilisation visant à informer sur l’exploitation sexuelle des mineurs et que des volets spécifiques s’adressent aux familles et aux jeunes, aux organismes
communautaires, aux intervenants sociaux, aux milieux de la restauration et de l’hôtellerie et aux organisateurs de grands événements afin, entre autres, que les victimes sachent où chercher de l’aide.
Preuve du sérieux de la démarche, la Commission recommande par ailleurs que le gouvernement du Québec déclare «formellement et solennellement» que la lutte contre l’exploitation sexuelle des mineurs constitue une priorité nationale.
La Commission recommande également que le ministère de l’Éducation intègre un contenu adapté, spécifique à la prévention et aux risques de l’exploitation sexuelle des personnes mineures au cours d’éducation à la sexualité au primaire et au secondaire. Reste maintenant à savoir si Québec passera à l’action.
«Je peux vous assurer que la première chose que j’ai faite est de remettre en main propre le document au premier ministre. Il m’a assuré qu’il allait le mettre entre bonnes mains. Je vous le dis, chacune des 58 recommandations est réalisable», a conclu Lucie Lecours.
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