Déjà admise en technique policière, Raphaelle ne s’était jamais posé de question, elle se savait destinée à devenir policière comme son père et sa mère. Mais à deux semaines de la rentrée, elle reçoit un courriel l’informant que sa condition l’empêche de se joindre au programme. Le choc est violent. Toute sa trajectoire s’effondre.
« Mon père avait prévu de prendre sa retraite quand je sortirais de l’école, pour être capable de faire ma première journée sur la patrouille avec moi », raconte-t-elle émotive.
Toute sa vie, jusqu’alors réglée comme une horloge suisse tournait désormais au rythme des crises qui s’enchaînent à un rythme effréné. Pendant près d’un an après le diagnostic, Raphaelle fait des crises toutes les semaines, parfois plusieurs par jour.
« C’était vraiment intense. Mon corps ne pouvait plus soutenir le stress. Ça fait qu’il disait, fais une crise puis tu vas être correcte après », explique-t-elle. Elle parle d’un stress post-traumatique lié à ses premières crises, un choc qui a imprimé une peur si profonde qu’elle se transformait en symptômes physiques.
Une descente imprévisible
Elle décrit ces crises « non-épileptiques » : « Il y avait des convulsions pareilles… Je tombais. Mais les symptômes sont différents. Les conditions sont moins intenses. La durée est moins longue. C’est plus des spasmes que des convulsions. Je vois embrouillé, mais je vois. J’entends, ce qui n’est pas le cas dans une vraie crise. »
Ces épisodes, épileptiques ou non, redessinent son quotidien, l’isolent, l’épuisent. « J’avais peur d’en faire en public. J’étais plus capable d’aller dans les endroits bondés. J’évitais les sorties, les amis. J’étais toujours sur le qui-vive. »
La peur s’installe en permanence. Les lieux trop animés, les espaces restreints, l’idée même d’attirer les regards deviennent anxiogènes. « Je savais que si je faisais une crise, tout le monde allait me regarder. Juste y penser, ça me déclenchait. » Elle trouve du soutien auprès de sa famille et de son copain, Jérémy (Jay), qui malgré sa propre anxiété, arrive à la soutenir et l’aider, et parfois même la sauver.
L’hypnose comme dernier recours
La situation est telle que Raphaelle se résout à consulter en hypnothérapie. « J’étais tannée. Ça faisait un an et demi que je faisais des crises non-épileptiques. Tout ce qu’on a essayé ne marchait pas ». Elle qui ne se voyait pas comme réceptive à ce genre de suggestion, y a finalement trouvé son salut. « J’ai accepté de faire de l’hypnose au mois d’août et depuis… silence radio. J’ai plus refait de crises ».
Mais le soulagement est de courte durée. Le 21 septembre 2024, elle fait une crise dans l’auto, sur l’autoroute, avec son copain Jay. Elle devient raide, commence à saliver, s’étouffe. Il n’y a pas d’accotement. Elle devient bleue. Jay réussit à sortir, à la placer sur le côté, à dégager ses voies respiratoires. C’est le début d’une autre spirale. Elle enchaîne alors les crises, épileptiques cette fois. Jusqu’à trois par jour.
Maintenant âgée de 18 ans, elle est transférée au CHUM où on ajuste sa médication. Les effets de ce réajustement peuvent prendre jusqu’à six semaines pour se faire sentir, lui explique son neurologue. En attendant, les effets secondaires sont sévères : « J’ai perdu 15 livres, vision double, maux de dos, nausée… tout ce que tu peux imaginer. J’ai tout eu ça pendant deux mois. »

Une nouvelle direction
Les ajustements ne se font pas juste dans son corps, mais aussi dans ses choix : après avoir vu son rêve de devenir policière lui échapper, Raphaelle trouve une alternative qui lui convient : elle est acceptée en criminologie à l’université Bishop à Sherbrooke. Un domaine où elle pourra creuser son intérêt pour la psychologie, l’évaluation et l’intervention.
Elle partira vivre seule, loin de son cocon, mais pas sans repères. « J’ai des amis proches là-bas, ils savent quoi faire si ça m’arrive. Ils m’ont déjà vue en crise. »
Mais pour l’instant, elle peut se préparer à ce nouveau départ la tête tranquille puisque ça fait maintenant cinq mois qu’elle n’a pas fait de crise. Si tout continue de bien aller, elle pourra reprendre ses cours de conduite à la fin juin. Une étape symbolique. Une liberté qu’elle attend depuis longtemps.
Ses crises ont embrouillé sa vision pendant des mois, mais aujourd’hui, son avenir se dessine plus clairement. Et même s’il doit se dérouler en grande partie à Sherbrooke, Raphaelle insiste : « C’est important pour moi de revenir toutes les fins de semaine », dit-elle sans hésiter. « Sainte-Marthe-sur-le-Lac c’est chez nous »
Elle y retrouve sa maison, rénovée en famille et pleine de souvenirs, son père, sa belle-mère, son demi-frère Antoine, Jay, son emploi à l’hôpital de Saint-Eustache… et une paix qu’elle ne trouve nulle part ailleurs. Une routine. Un noyau. Une base solide. Juste assez pour continuer d’avancer.
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