Les Omnipraticiens sont unanimes à redouter une détérioration de l’accès au soin. Certains patients perdent tout simplement confiance.
C’est le cas d’Yvon Robert, résident de Saint-Jérôme qui qualifie d’« improvisation » le Projet de loi 106 du gouvernement de la CAQ. « C’est de l’improvisation, comme le fait gouvernement depuis plusieurs années, puis d’essayer de traiter l’éducation, la santé comme si c’était des industries. »
L’ancien gestionnaire en éducation, exprime ses vives préoccupations face au projet gouvernemental de réorganisation des soins de santé. Le système de classification des patients par couleurs et de réattribution des médecins de famille proposé par le gouvernement Legault est tout simplement inadapté « aux services humains », tranche M. Robert.
C’est « une lubie de penser d’ajouter un million de visites supplémentaires sans que ça ne coûte rien », déplore le retraité de 88 ans qui dit ne pas croire un mot des promesses de M. Dubé quant à l’amélioration du système de santé.
Le Projet de Loi propose notamment de modifier la rémunération des médecins en la liant à des indicateurs de performance et de réorganiser l’inscription des patients, qui ne serait plus associée à un médecin de famille spécifique, mais à un milieu de soins.
Conséquences
Cette proposition fait bondir autant l’Association des Médecins Omnipraticiens Laurentides-Lanaudière-que des patients.
Classé vert selon le nouveau système, Yvon Robert est considéré comme « en santé ». En tant que patient âgé de 88 ans, M. Robert craint d’être pénalisé par le système.
« Nous autres, les verts, on va complètement disparaître de la carte. »
La réforme Dubé considère même la catégorie des enfants comme « en santé ». Selon un article publié par La Presse, l’association des pédiatres du Québec appelle le ministre de la Santé à reconnaître les enfants et les adolescents comme des « patients vulnérables. »
Le code de couleurs proposé par l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS) — vert pour les bien portants, jaune pour les cas intermédiaires, orange pour les cas plus préoccupants et rouge pour les cas urgents — présente des lacunes, de l’avis de la présidente l’Association des Médecins Omnipraticiens Laurentides-Lanaudière docteur Lynn Couture.
Cette classification pourrait empêcher le dépistage précoce de problèmes de santé, déplore la docteure Couture.
La présidente déplore que le gouvernement ait ignoré les recommandations d’un comité d’experts, qui, selon elle, déconseillait fortement la classification des patients par catégorie. Elle précise que l’approche préconisée par les experts diffère de celle du gouvernement.
« Eux, ce qu’ils disent, c’est que l’idéal, ce serait que chaque patient puisse avoir un médecin ou une IPS, bref, un praticien pour assurer un suivi longitudinal, donc au long cours. Ils ont bien raison parce que c’est ça dans la littérature qui fonctionne pour réduire les hospitalisations, réduire les consultations à l’urgence et améliorer la santé. Ça, c’est démontré. »
L’AMOLL redoute les effets en cascade de la proposition du gouvernement sur les médecins déjà surchargés : « Chaque médecin a 1000 à 2000 patients de plus à sa charge, ça ne sera pas facile de voir nos patients, ceux qui sont déjà les nôtres et les nouveaux. Alors, c’est sûr que ça va réduire l’accès, on est inquiets. »
Elle met en garde contre le risque que cette situation pousse les médecins à fuir le système québécois pour s’installer en Ontario où le gouvernement investit en première ligne. Selon elle, le Québec devrait s’inspirer du système de santé ontarien.
Solutions
Pour résoudre le problème, la docteure Couture propose de l’enseignement au patient pour s’autosoigner. Il faut, dit-elle, que celui-ci soit en mesure de déterminer quand consulter. Cela passe par une meilleure littératie en santé, prône le médecin de famille.
Elle propose également une meilleure utilisation des compétences du système : « Est-ce qu’on peut organiser la physiothérapie davantage en première ligne ? Nous autres, on est tout à fait là. On est très d’accord que les physiothérapeutes, les ergothérapeutes en fassent plus. On n’a pas de problème. Il faut qu’on soit capable de donner des services. »
Pénurie
Le secteur privé étant déjà saturé, le meilleur choix, de l’avis de Yvon Robert, serait que le gouvernement se préoccupe d’intégrer plus de médecins dans le système. « On manque de médecins au Québec. Regardez le ratio de médecins d’un pays européen, puis regardez le ratio de médecins ici au Québec. Ça n’a pas de bon sens. Il n’y en a pas assez », plaide-t-il.
La situation l’oblige à chercher des services ailleurs : « Moi, je demande à Saint-Jérôme de faire un GMF à Laval parce que je ne suis pas capable d’avoir de service à Saint-Jérôme […] »
Les Laurentides sont frappées de plein fouet par la pénurie de médecins, confirme la docteure Couture, chiffrant le manque à au moins 150. « On a besoin de plus que ça. […] C’est le plancher que j’ai besoin demain matin. »
Elle dénonce l’idée selon laquelle les médecins seraient payés à ne rien faire, et critique au passage ce qu’elle appelle une illusion de réforme.
L’Association des Médecins omnipraticiens Laurentides-Lanaudière n’écarte pas la possibilité d’empêcher que ce projet de loi cause des torts irréparables. « Il est déjà en train d’en causer. »
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Christian Dubé
Pénurie
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