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Budget Girard —Exercice périlleux en période d’incertitude

Photo courtoisie – L’associé au département de conseil en performance financière Jean-Philippe Brosseau de Raymond Chabot Grant Thornton a répondu à nos questions à propos du budget 2025-2026 du gouvernement caquiste.

Budget Girard —Exercice périlleux en période d’incertitude

Publié le 11/04/2025

L’exercice budgétaire n’est jamais une tâche facile, mais avec les incertitudes qui planent depuis quelques mois avec les élucubrations de l’administration Trump, les perspectives changent plusieurs fois dans la même journée.

Ainsi, le budget déposé par le ministre des Finances Éric Girard le 25 mars a tenté l’exercice périlleux, mais nécessaire d’imaginer la situation à plus long terme.

Si le déficit annoncé représente, en dollar absolu, le plus important de l’histoire à 13,6 milliards, M. Girard préfère présenter le ratio de la dette par rapport au produit intérieur brut (PIB) qui représente 2,2 % alors qu’il rappelle que dans les années 1990, le déficit avait monté à 3 % du PIB.

Aucun changement au niveau des impôts ni au niveau de la taxe de vente du Québec (TVQ) ne fait partie du budget, autre qu’un ajustement de la taxe sur l’assurance qui passe de 9 % à 9,975 %, soit le taux actuel de la TVQ. Une taxe de 125 $ pour les propriétaires de véhicule électrique et de 62 $ pour les propriétaires de véhicule hybride vise à faire payer ceux qui échappent à la taxe sur le carburant perçue par la province pour l’entretien des routes. 

Si ce budget ne passe pas à l’histoire pour ses programmes pour les consommateurs, plusieurs hypothèses posées dans ce budget semblent plutôt optimistes pour ne pas dire carrément audacieuses. Les tarifs à 10 %, l’inclusion des taxes sur le gain en capital du fédéral, l’augmentation des transferts fédéraux aux provinces, et une prévision de croissance économique à 1,1 % font couler beaucoup d’encre ces jours-ci.

Le pari que fait Québec en posant les tarifs américains à 10 % suppose que l’administration Trump réalisera que ces tarifs sont néfastes pour son économie et qu’ils seront abolis avant la fin de l’année, ou à tout le moins réduit pour atteindre une moyenne de 10 % pour les deux prochaines années. Avec les nouveaux tarifs annoncés sur le secteur de l’automobile le lendemain du dépôt, ça ne semble pas aller dans la bonne direction.

L’hypothèse de croissance à 1,1 % serait la médiane des prévisions des économistes du secteur privé consulté par le ministre des Finances. Si c’est l’un des éléments les plus difficiles à prévoir actuellement, cette croissance est soutenue par la réforme du gouvernement fédéral pour le taux d’inclusion des gains en capital, le faisant passer de 50 % à 66,7 %. Le problème, c’est que le parti libéral du Canada et le parti conservateur du Canada ont prévu abolir cette réforme lorsqu’ils seront élus.

L’augmentation prévue des transferts fédéraux est aussi très hypothétique puisque comme le mentionne le fiscaliste de la firme Raymond Chabot Grant Thornton, Jean-Philippe Brosseau, « la diminution des transferts fédéraux aux provinces a parfois été une tactique du gouvernement fédéral pour baisser lui-même les dépenses dans ses budgets ». Avec l’incertitude qui plane ces jours-ci, être optimiste semble un luxe que les citoyens ne peuvent se permettre.

Si des programmes pour les entreprises ont été annoncés pour couvrir des problèmes de liquidités et que les programmes d’aide à la recherche ont été consolidés sous le parapluie recherche, développement, innovation et commercialisation, le principal objectif sera d’aider les entreprises à augmenter leur productivité en intégrant l’intelligence artificielle à leur processus. Ainsi, le programme de consolidation du développement des affaires électronique (CDAE) devient CDAEIA.

Un autre élément à considérer selon le fiscaliste est la hausse des dépenses en santé et en éducation à 2 % serait plus bas que l’inflation. Dans une telle situation, cette hausse des dépenses serait trop basse pour couvrir la hausse du coût de la vie et précarise toute initiative d’amélioration, en misant sur des gains en productivités hypothétiques qui permettrait de faire plus avec moins.

Si aucune mesure ne vise spécifiquement le secteur de l’aérospatiale, la présence d’entreprises américaines et les chaînes d’approvisionnement intégrées entre nos deux pays devraient poser des défis importants auxquels les programmes d’aides aux entreprises pourront répondre. La présence de joueurs européens comme Airbus mitige un peu les dégâts causés par les tarifs américains, sans ramener l’optimisme du fiscaliste.

Il faudra attendre l’automne pour avoir une mise à jour économique qui confirmera ou infirmera les prévisions du gouvernement aujourd’hui, mais le budget présenté par le gouvernement du Québec ce printemps doit être lu pour ce qu’il est, une tentative de raisonnement dans l’incertitude ambiante, à la merci des événements économiques et géopolitiques hautement volatiles.