Ses bateaux ont contribué au développement économique et touristique des régions des Laurentides et de la Montérégie au XXe siècle. Retour sur l’histoire de ce monument okois.
Deux kilomètres en dix minutes. Voilà ce que promet la Traverse Oka-Hudson depuis des décennies en faisant l’aller-retour entre les Laurentides et la Montérégie. La Société d’histoire d’Oka (SHOKA) a archivé nombre de documents et de photos témoignant de l’évolution de cette infrastructure légendaire d’Oka.
« C’est une promotion socio-culturelle, un moyen de communication qui aide l’économie, offrant le transport d’une clientèle aussi commerciale que touristique », écrivait la SHOKA au sujet de la traverse en 1987, dans son journal OKAMI.

Le bateau-remorqueur « Poisson Doré » et son chaland vers 1941. Derrière les embarcations, il y a une pile de bois d’un ancien moulin à scie de la rue Ste-Anne, à Oka.
Le lac des Deux Montagnes n’a jamais réellement séparé les habitants d’Oka et d’Hudson (autrefois nommée Como). Même avant l’inauguration du service de traverse, les résidents voguaient d’une rive à l’autre pour le commerce, l’accès au train à Como ou la religion. « Qu’on pense aux habitants de Como, d’Hudson et même [de] Vaudreuil qui venaient à la Mission du Lac des Deux-Montagnes pour recevoir des services religieux jusqu’au début du siècle dernier », explique ce document.
Les débuts de l’entreprise
Le premier service de traversier officiel entre Oka et Hudson a été mis sur pied par John Léger en 1909. Le quai d’Oka était alors déjà présent : il a été « probablement aménagé » en 1884, selon le Répertoire du patrimoine culturel du Québec.
Le premier bateau de John Léger pouvait accueillir jusqu’à 40 personnes et transportait également des marchandises, des animaux et du courrier. Le traversier était populaire auprès des résidents d’Oka pour rejoindre la station de train d’Hudson pour se rendre à Montréal.
Pendant près de 25 ans, la famille Léger avait un compétiteur. Le neveu de John Léger, Delphé Carrière, offrait aussi le transport d’automobiles d’une rive à l’autre, sur la même voie maritime. À la mort de John Léger, en 1958, son fils Claude Léger prend la relève de l’entreprise familiale et acquiert celle de M. Carrière, éliminant pour de bon la concurrence dans les services de traverse sur la voie Oka-Hudson.

Seulement quelques automobiles à la fois pouvaient être transportées avant la construction de quatre chalands par M. Claude Léger en 1958.
L’arrivée des automobiles
Face à la hausse du nombre d’automobiles dans la première moitié du XXe siècle, Claude Léger dessine et construit vers 1987 quatre chalands pouvant contenir jusqu’à dix voitures chacun. Ces chalands sont tirés par des bateaux-remorques à diesel et peuvent « traverser un total de 160 unités par heure » si les quatre traversiers sont opérés simultanément. Il s’agit d’un raccourci de 80 kilomètres d’autoroutes entre Oka et Hudson, écrit la SHOKA.
Les frères Jean-Claude et Louis Léger, petits-fils du fondateur, ont opéré la traverse jusqu’en 1999. Faute de relève, l’entreprise familiale a été mise en vente.
Claude Desjardins a racheté l’entreprise au tournant du siècle et a entrepris de moderniser les bateaux. La traverse faisait alors face à une « augmentation du nombre quotidien de voyageurs », rapporte une étude de la Traverse Oka-Hudson réalisée au début des années 2000. M. Desjardins a donc fait construire de nouveaux bateaux autopropulsés pouvant accueillir 18 voitures chacun. En 2008, après huit ans de démarches, le premier bateau neuf a été mis à l’eau.
De nouveaux propriétaires
En juin 2024, Claude Desjardins a vendu l’entreprise à Serge Daignault et son fils Philippe. La reprise du traversier n’a pas été de tout repos : ils ont vécu un « début de saison difficile », avec une ouverture officielle tardive. Les propriétaires ont attribué les délais à des réparations essentielles sur les deux traversiers, dont certaines pièces avaient « besoin d’amour », ont-ils écrit sur la page Facebook de la traverse.

Le traversier de M. Carrière, le compétiteur et neveu de John Léger, vers août 1938.
Et le pont de glace ? Il est encore praticable de janvier à mars, même si son existence raccourcit au fil des hivers qui se font plus doux. Toutefois, malgré les vents de face, tout vogue toujours entre Oka et Hudson.
Ce texte a été écrit grâce à la consultation d’archives de la Société d’histoire d’Oka, de la Traverse Oka-Hudson et du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).
Léa Lemieux
Journaliste stagiaire
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