La chose est bien visible sur l’affiche, la première pièce de Michel Tremblay a 50 ans bien sonnés et la troupe des Belle-Sœurs, version théâtre musical, se prépare à une nouvelle tournée québécoise qui passera tout d’abord par le Théâtre Lionel-Groulx, pour huit représentations, du 4 au 14 juillet.
La comédienne Maude Guérin était de la première mouture de ce spectacle adapté par le metteur en scène René-Richard Cyr et mis en musique par Daniel Bélanger, en 2010, elle qui incarnait Pierrette (elle l’a jouée 215 fois), la fille de bar «passée date» , le mouton noir à la fois rejetée par son milieu et sa famille.
Cette fois, c’est dans la peau de Germaine Lauzon qu’elle nous revient, cette heureuse gagnante d’un million de timbres-primes qui a convoqué ses sœurs, belles-sœurs et voisines à un party de collage collectif qui (l’histoire est connue) révèlera des personnages à la fois savoureux et porteurs de drames personnels, des femmes également rongées par la jalousie et qui se découvriront un certain penchant pour la trahison.
Un nouveau défi
«C’est la première fois que je change de rôle dans une même production. C’est un peu étrange parce que ce sont deux personnages complètement différents, mais en même temps ça m’amuse. Je suis une actrice de composition et j’aime me fondre dans mes personnages. Ce sera un nouveau défi» , exprime-t-elle au bout du fil, tout en admettant que le fait de quitter Pierrette, un personnage qu’elle considère important dans sa carrière, la chagrine tout de même un peu.
C’est Éveline Gélinas qui reprendra le rôle et ce sera suffisant pour la consoler, dit-elle. «Éveline est magnifique, elle a une superbe voix et je la vois très bien en Pierrette. Et ce seront des retrouvailles puisque c’est elle qui jouait ma Bec-de-Lièvre, dans Le Chant de Sainte Carmen de la Main» , dit-elle en évoquant cette autre belle adaptation du tandem Cyr-Bélanger.
Vous aurez compris que les répétitions n’ont pas encore commencé, mais Maude Guérin sait déjà que le public ira à la rencontre d’une nouvelle Pierrette et d’une tout autre Germaine, un personnage initialement et magnifiquement rendu par Marie-Thérèse Fortin, qu’il faudra bien se garder d’imiter: «L’important, quand on reprend un rôle, c’est de ne pas aller dans les pistes de l’autre actrice.»
Un registre tout autre
Pour l’instant, elle voit donc «sa» Germaine comme un personnage près de la terre («Je viens de La Tuque» , dit-elle), très contrôlante, un peu pince-sans-rire, une femme truculente qui a son franc-parler et qui s’exprime avec beaucoup de force.
Le défi, sera par ailleurs de passer d’un registre davantage tragique (Pierrette) à celui de Germaine qui, bien que correspondant à tout cela, montre ce côté naïf et bon enfant qui lui fait croire que tout le monde partage son petit bonheur. «Je vais vous révéler un secret: j’ai toujours cru que j’étais une actrice comique, avant qu’on se mette à m’offrir des rôles dramatiques. J’ai ce côté-là en moi et René-Richard était au courant. J’aime beaucoup rire, je pense que j’ai un bon timing comique et j’ai très hâte d’exploiter ça dans Germaine» , dit-elle, tout en se promettant de s’en donner à cœur joie.
L’important, ajoutera-t-elle, et c’est probablement ce qui a subsisté de la première rencontre avec la troupe, il y a plus de huit ans, est de trouver la vérité de ces personnages. «Il faut se le dire, il faut se méfier de développer des parasites. Il faut rester vraie, même si les personnages sont parfois clownesques» , dit-elle.
Une parole forte
La pièce a 50 ans, disions-nous plus haut, et contrairement à ce qu’on observe parfois dans les classiques, personne n’a jamais cherché à la «moderniser» . Ça se passe toujours dans la même cuisine, à la même époque, avec les mêmes robes, les mêmes bigoudis… et on la reçoit toujours avec la même émotion.
«C’est une parole de femmes qui parle à tout le monde. Quand Ariane Mnouchkine est venue voir le spectacle, à Paris, évoque Maude Guérin, elle nous a dit qu’elle y voyait quelque chose de fort et d’universel. C’est encore très actuel.» On a d’ailleurs qu’à penser au monologue (et désormais chanson) de Rose Ouimet, sur le «maudit cul» , pour y voir un propos féministe, une revendication qui trouve encore sa résonnance aujourd’hui.
La nouvelle mouture de Belles-Sœurs, sachez-le, propose une distribution renouvelée sensiblement aux deux tiers, ce qui donne une tout autre couleur et qui donne l’impression à Maude Guérin de se retrouver au début d’un nouveau projet. «Quand nous reprendrons les répétitions, ce sera comme si nous partions d’une feuille blanche» , image-t-elle.
«Belles-Sœurs, c’est une fête sur scène. C’est un drame, mais un drame jouissif» , résume la comédienne en y conviant le public qui peut déjà se rendre au [http://odyscene.com] pour réserver son fauteuil.
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