C’est une famille bien de chez nous (au sens littéral du terme puisque l’action de cette nouvelle production est bien campée dans la région) que nous observons actuellement sur les planches du Petit Théâtre du Nord (PTDN) qui pour sa 20e saison présente comédie de François Archambault intitulé Quelque chose comme une grande famille, laquelle sera à l’affiche du centre communautaire de Blainville, jusqu’au 24 août.
Le titre, n’en doutez pas, fait directement référence à cette fameuse phrase de René Lévesque: «On n’est pas un petit peuple, on est peut-être quelque chose comme un grand peuple» , lors de la victoire du Parti québécois, le 15 novembre 1976, et dont beaucoup ont questionné le sens depuis. L’homme politique disparu en 1987 occupe d’ailleurs une place de choix dans ce décor déconstruit conçu par Olivia Piat Audet, puisque le personnage de Marcel (Luc Bourgeois), qui lui voue une admiration inconditionnelle, a reçu un portrait de son idole qu’il accrochera bien en évidence sur le mur du salon.
Qu’on se le dise, l’esprit de René Lévesque planera véritablement sur cette production. Il sera au centre de maintes discussions qui s’abreuveront à des sources aussi multiples que l’homme pouvait être complexe: un mélange de qualités extraordinaires et de défauts ordinaires qui en ont fait un être imparfait, un premier ministre qui a été brillant ou décevant, mais que l’histoire retiendra tout de même comme un personnage important.
Autre temps, mêmes humains…
C’est aussi la petite histoire d’une famille imparfaite et ordinaire qu’on nous raconte, dans cette comédie qui nous ramène au jour de l’an de 1982, dans un bungalow de Blainville ou de Boisbriand, où vit Marcel avec sa conjointe Claire, et leur fille (toutes deux incarnées par Mélanie St-Laurent). Les rejoindront Monique (Louise Cardinal), la sœur de Claire, et son mari Gilles (Sébastien Gauthier), qui vient de perdre son emploi à la GM de Boisbriand. Dorothée (Marie-Hélène Thibault), la sœur des deux autres, qui a pris la très sérieuse décision de quitter son mari.
On devine alors un regroupement de quadragénaires qui ont transporté dans leurs bagages des valeurs issues d’une autre époque, qui font ce qu’ils peuvent pour joindre les deux bouts dans un contexte économique pour le moins difficile (hausse vertigineuse des taux d’intérêt, compressions budgétaires dans la fonction publique) et qui tentent de composer avec tout ce qui peut heurter leur morale, leurs désirs enfouis ou leurs aspirations contenues, avec tout ce qui les éloigne et les rapproche, aussi.
Durant tout une année, et à travers le souvenir de la fille de Claire et Marcel, qui nous parle aujourd’hui, en 2018, on suivra ces personnages dans leur vie sans histoire (ou si peu) de gens bien ordinaires, qui rêvent d’une voiture neuve ou d’un sous-sol rénové, qui ne savent trop comment réagir à une perte d’emploi, un amour déçu, un enfant délinquant, un revers de fortune, mais qui réagissent quand même et qui s’en sortent malgré tout.
Ce sont des êtres de chair et de cœur auxquels on s’attache facilement, qui se révèlent peu à peu, par l’intelligence du texte de François Archambault, lequel nous montre subtilement, progressivement, un à la fois, les liens indicibles qui les unissent.
Du rire et de l’émotion
Dans leur mise en scène, Sébastien Gauthier et Luc Bourgeois ont manifestement porté une attention particulière à cette lente horlogerie qui semble rythmer le texte de François Archambault. Les liens se font sans cassure, avec une fluidité qui reste à peaufiner, mais qu’on sentait vouloir s’installer lors de l’avant-première.
La pièce nous plonge aussi (pour ceux qui ont vécu consciemment les années 1980) dans une foule de souvenirs, alors que sont évoqués aussi bien des événements historiques que des slogans publicitaires ou des objets en vogue, le tout nous parvenant via la bande sonore conçue par Benoît Archambault et Simon Proulx.
Et si la pièce nous donne beaucoup d’occasions de rire (les bonnes lignes, les blagues bien amenées et les situations loufoques ne manquent pas), on en ressort, après une finale très touchante, avec une émotion qui nous habite pour un temps, qui n’est pas nécessairement liée à la nostalgie dont parle l’auteur dans le programme du spectacle, mais à un sentiment, très fort celui-là, que nos propres vies ordinaires et imparfaites peuvent aussi avoir un sens ou mieux, une résonnance auprès de ceux et celles que nous aimons.
«QCCUGF 4 ©François Larivière.jpg» , Dans Millénium
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