L’École de Théâtre professionnel du Collège Lionel-Groulx lance sa nouvelle saison avec ADN, une pièce du dramaturge britannique Dennis Kelly qui nous plonge dans l’univers de l’adolescence, à la rencontre d’un groupe de jeunes qui, après avoir commis l’irréparable, se voit brusquement confronté à lui-même.
Tout commence par un fait divers. Un homicide. Adam, le souffre-douleur du groupe, vient d’être accidentellement balancé au fond d’un puits, parce qu’on l’avait bêtement poussé vers le vide, parce que ça ne pouvait être que lui, parce que. À qui la faute? Comment gérer une telle situation sans compromettre le collectif, la gang, le noyau d’appartenance, comment jongler avec tout ça dans une main et, dans l’autre, les concepts de la morale et de la responsabilité individuelle?
Le ridicule et le tragique
Autour de la table, le metteur en scène Bernard Lavoie discute de la chose en présence d’une partie de sa troupe (comédiens et concepteurs), et l’on apprend très vite que le texte de Kelly, bien qu’on imagine que le grand public saura y trouver son compte, est d’abord destiné à une clientèle adolescente. «Ça m’a donné un cadre pour mieux comprendre le ton et le contexte de la pièce, à considérer la jeunesse des personnages, à mieux saisir la notion d’irresponsabilité» , résume Bernard Lavoie, qui nous oriente également vers la couleur élisabéthaine qui en teinte l’écriture. «On y fait cohabiter le ridicule et le comique avec le tragique et le sérieux, ce que Shakespeare et ses amis faisaient» , dit-il, par opposition à la tradition française, ce qui aura été momentanément déroutant en cours de travail. «On commence à comprendre que ça peut aussi être drôle» , confiait le metteur en scène, trois semaines avant la première.
Autre élément de défi, la modernité de ce texte (écrit en 2008) qui ne s’appuie pas sur des bases psychologiques traditionnelles. «Au contraire, chaque personnage est un archétype. Chacun est une fonction pour faire avancer l’histoire. Chacun est une facette du point de vue de l’auteur. Ils ne pourraient pas vraiment exister dans la vraie vie» , dit-il, ce qui aura nécessité de partir à la recherche de nouveaux codes de jeux, plus physiques, pour exprimer ce qu’on veut véhiculer dans la pièce.
On a aussi parlé de la structure du texte, des ruptures constantes (d’une parole hachurée à de longues envolées poétiques) qui en rythment le propos, dans une sorte de chaos musical que la traductrice Fanny Britt a bien su reproduire, indique-t-on. Ces ruptures (on s’est même permis d’en ajouter), on en retrouve également l’esprit dans la conception sonore du spectacle (celle de Léa Bussière), au point où Bernard Lavoie dira qu’elle a conditionné sa mise en scène. Celui-ci ira même jusqu’à dire que le texte de Kelly impose des images qui jouent ce même rôle, des choses que l’on saisit à force de le lire ou de le manipuler et qui participent concrètement et progressivement à la construction du spectacle.
Dans l’espace de jeu
Pour en revenir à Léa Bussière, celle-ci dit avoir été interpellée par l’agressivité insouciante des personnages, à ces passages de la vie où l’on pousse l’expérimentation jusqu’à l’extrême (un enfant qui arrache froidement les pattes d’un insecte, par exemple). C’est ce côté glauque du texte qui lui aura servi de canevas dans une conception sonore qui s’inspire des atmosphères à la Stephen King ou Patrick Sénécal. En tripatouillant des extraits pianistiques de provenances diverses, elle a tenté de créer des atmosphères dans lesquelles on ne se sentira pas tout à fait bien.
Les personnages de la pièce, par ailleurs, squatteront une usine désaffectée imaginée par Daphnée St-Jacques, un décor qui se transformera progressivement de l’intérieur, au fur et à mesure qu’on y entassera des objets et des déchets qui viendront poétiquement illustrer le chaos, le «terrain de jeu» du début cédant le pas à un lieu plus inquiétant et menaçant.
Les costumes de Cynthia Hébert-Piché emprunteront la même voie évolutive et marqueront les trois moments de la pièce, tout comme l’effritement moral des personnages ou le passage du temps.
De son côté, Danik Girouard a conçu des éclairages qui marqueront aussi ces trois temps/trois lieux (on garde l’idée, sans que ça s’incarne dans l’espace, que le texte original situe l’action dans un champ, une rue, puis une forêt). On partira donc d’un éclairage plus vaste et diffus, jusqu’à des percées de lumière entre les éléments du décor, tout comme on l’utilisera des éclairages alternatifs (lampe de travail, lampe baladeuse).
ADN, de Dennis Kelly, sera présentée au Studio Charles-Valois du Collège Lionel-Groulx, du 16 au 19 octobre. Billets en vente au Cabaret BMO Sainte-Thérèse, 57, rue Turgeon, ou en ligne, à [http://odyscene.com].
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