C’est un portrait plutôt positif de la situation dressée par la docteure Catherine Aubut, spécialiste en santé publique et médecine préventive. Érigée au rang de crise au pays, la drogue, contrairement aux autres substances psychoactives, se situe en bas de la liste des produits présents dans la région. Et, contrairement à ce qui est observé dans de différentes régions comme Montréal, la présence du fentanyl dans les surdoses mortelles demeure assez limitée régionalement.
La docteure Aubut est claire. « Dans les Laurentides, le fentanyl ne fait pas partie de la majorité des drogues qu’on retrouve dans les cas de surdoses ».
La réalité reste tout de même préoccupante
Même si la région des Laurentides semble pour l’instant moins touchée par cette crise, la santé publique se veut vigilante. Évoquant la proximité de la région avec Montréal et d’autres régions concernées par la hausse des surdoses ces dernières années, Dr Aubut prévient qu’« on n’est pas à l’abri ».
Elle dit noter une augmentation des surdoses de toutes substances confondues depuis 2018, soulignant une stabilité depuis 2023. La majorité des cas implique ce que la docteure appelle une polyconsommation, c’est-à-dire l’usage simultané de plusieurs substances psychoactives, impliquant une prédominance des stimulants comme la cocaïne et les amphétamines.
La contamination des drogues à l’insu des consommateurs est, selon les constats de la spécialiste, une tendance préoccupante qui se dessine. Des stupéfiants pris sont contaminés, dit-elle, de différentes substances. Pensant prendre de la cocaïne, des acheteurs se rendent finalement compte qu’ils ingéraient aussi du fentanyl.
Fait plus alarmant, les autorités sanitaires observent l’arrivée sur le marché de substances synthétiques encore plus dangereuses, comme des dérivés d’opioïdes qui peuvent se révéler 25 fois plus forts que le fentanyl, ainsi que des dérivés de benzodiazépines beaucoup plus puissants que les produits pharmaceutiques.
Une présence limitée du fentanyl à Saint-Eustache
Les forces policières de Saint-Eustache confirment la faible présence du fentanyl dans la ville. Selon le lieutenant à la division de la surveillance du territoire, Olivier Boucher, seulement deux dossiers impliquant la drogue et confirmés par Santé Canada, ont été répertoriés au cours des trois dernières années sur leur territoire. « On n’a pas de problématique avec le trafic de fentanyl sur le territoire de Saint-Eustache ».
Bien que la ville ne soit pas une plaque tournante du fentanyl, et qu’elle ne fait pas partie des grandes villes convoitées par les trafiquants pour faire transiter la drogue, Saint-Eustache a été mentionnée au moins une fois comme zone de transit de la drogue.
En 2018, Tracey Fitzpatrick, une résidente de l’Ontario a été arrêtée pour trafic de fentanyl et d’autres drogues. Elle utilisait des comptoirs postaux pour récupérer des enveloppes contenant du fentanyl dans plusieurs points de livraison, dont Saint-Eustache. Elle a été condamnée à 12 ans de prison.
Rôle du « Tsar du fentanyl »
Le trafic de cet opioïde au Canada ne date pas d’hier. Les autorités ont bien entendu repris le contrôle, mais les pressions tarifaires de Donald Trump contraignent Ottawa de nommer un « Tsar du fentanyl ». Kevin Brousseau devra, selon les vœux du ministre de la Sécurité publique David McGuinty, « assurer la coordination entre les organismes, agir rapidement pour relever des défis pour résoudre cette crise qui sévit dans les communautés ».
Les tâches qui incombent à M. Brousseau sont lourdes voire complexes. Ottawa attend de lui une aide infaillible dans la lutte contre le commerce du fentanyl. Cela implique le renforcement de la coordination des efforts des différents ministères et agences gouvernementales pour contrer le fléau.
Si du côté de la sécurité publique, la stratégie repose sur une approche répressive, la santé publique, quant à elle, présente une approche basée sur « un continuum d’interventions visant à réduire les méfaits liés à la consommation de substances ». Bien que leurs approches diffèrent, la coordination entre ces deux instances demeure essentielle.
Une approche préventive et réductrice des méfaits
Face à cette menace évolutive, la santé publique des Laurentides déploie une stratégie sur deux fronts. Elle mise, d’une part, sur la prévention, en finançant des ateliers dans les écoles secondaires et postsecondaires, ainsi qu’en développant des outils comme la brochure « On jase-tu » destinée aux parents souhaitant discuter des drogues avec leurs enfants.
D’autre part, reconnaissant que certaines personnes consommeront malgré tout, la direction adopte une approche de réduction des méfaits. Celle-ci comprend l’accès à du matériel de consommation stérile pour limiter la transmission d’infections, la distribution de bandelettes permettant de détecter la présence de fentanyl dans les psychotropes, ainsi que l’accès facilité à la naloxone, un antidote pouvant renverser les effets d’une surdose aux opioïdes.
« Nos messages de consommation sécuritaire sont, par exemple, si vous voyez qu’il y a du fentanyl, ne pas consommer seul, prendre de plus petites quantités à la fois, minimiser l’usage de plusieurs types de substances, et toujours avoir de la naloxone avec soi ».
-Docteure Catherine Aubut, spécialiste en santé publique et médecine préventive
Les personnes aux prises avec des problèmes de dépendance sont invitées à appeler Info Santé (option 2), pour être dirigées vers les ressources appropriées.
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