Selon Bernard Cloutier, qui signe régulièrement des articles sur la faune ailée, dans ce journal, la plupart des ornithologues s’entendent pour dire qu’il s’agit d’un «mal nécessaire» dans certaines situations. «Personnellement, dit-il, je suis à l’aise avec la méthode, en autant qu’elle soit appliquée par des experts», une qualité qu’il reconnaît d’emblée à GPF, qui fut aussi responsable, jusqu’en 2012, de la gestion du «péril aviaire» à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau.
À chaque oiseau sa spécialité, GPF dispose d’une volière garnie qui lui permet de gérer des problématiques causées tant par les canards (qu’on éloigne à l’aide de faucons) que les coyotes, pour lesquels on utilisera l’aigle royal.
Dans le cas particulier du parc Charbonneau, l’emploi d’Era était tout indiqué du fait qu’elle a été dressée pour chasser exclusivement les goélands et les bernaches. «C’était une crainte exprimée par certaines personnes, au départ, qui croyaient que toutes les autres espèces s’en iraient», raconte Marc-André Fortin, en précisant qu’on trouve toujours des geais bleus, des carouges à épaulettes et autres passereaux, au parc Charbonneau.Même des écureuils. Le fauconnier raconte, par ailleurs, qu’il s’est promené au bord de la rivière, cet été, marchant parmi des canards, sa buse à la main. Ni les canards, ni l’oiseau de proie ne se sont formalisés de cette soudaine proximité.
«Je veux bien, mais j’imagine que la mésange qui voit passer une buse doit sûrement avoir un tressaillement», note Bernard Cloutier, tout en reconnaissant que la peur est un mécanisme naturel de défense pour toutes les espèces animales.
Toujours est-il qu’à l’arrivée de GPF-Gestion de la faune, au début de l’été, il y avait 200 bernaches stationnées dans le parc rosemérois, causant les désagréments que l’on sait. En l’espace de quatre jours, on avait pratiquement délogé la colonie, à l’exception de quatre individus rebelles qui ont tenu tête à la buse pendant une autre semaine, avant de quitter définitivement les lieux.
Mais où vont-elles? Chez le voisin? Transportent-elles tout bonnement le problème ailleurs? «À ma connaissance, non, répond M. Fortin, qui est aussi biologiste. Cette rivière est longue. Les bernaches finissent sûrement par trouver un endroit où elles ne dérangent personne.»
Un peu d’éducation
Quoi qu’il en soit, malgré le succès obtenu, il faut recommencer l’opération chaque année, la mémoire étant une faculté qui oublie, même chez les oiseaux.
Plus est, outre l’espace favorable qu’offre ce parc situé en bordure de la rivière des Mille Îles, un milieu recherché par tout palmipède digne de ce nom, le retour des bernaches s’y explique également par le fait qu’elles y trouvent une nourriture abondante… souvent servie par les humains.
Une autre partie du travail de GPF consiste alors à faire de l’éducation populaire. Par exemple, on explique aux gens que le fait de nourrir les bernaches, d’une part, les rend dépendantes, ce qui peut mettre un frein à leur migration. D’autre part, on explique que la nourriture qu’on leur présente et qu’elles avalent avec entrain ne leur est pas forcément convenable et qu’elle peut, par conséquent, les rendre malades.
À la Ville, nous précise Monique Keurentjes, responsable des parcs et espaces verts, on favorise cette approche éducative qu’on assortit toutefois d’une mesure répressive. Ainsi, des écriteaux avertissent qu’il est interdit de nourrir les bernaches. L’amende minimale est de 100 $.