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Ancienne mine d’Oka: Se jeter à l’eau malgré les risques

Photo Léa Lemieux –

Mine d’Oka : Le plongeon interdit qui attire toujours

Ancienne mine d’Oka: Se jeter à l’eau malgré les risques

Publié le 11/09/2025

Le beau temps attire les baigneurs dans l’ancienne mine d’Oka depuis des décennies, malgré l’interdiction d’accès en vigueur. Le projet de centre de plongée, que la municipalité espère toujours concrétiser, attend les travaux de restauration du ministère de l’Environnement. Pendant ce temps, les jeunes se baignent et plongent, au risque des amendes, perpétuant une habitude estivale difficile à freiner.

Le terrain de l’ancienne mine, propriété de la municipalité d’Oka, est composé de deux anciennes fosses minières profondes s’étant remplies d’eau avec le temps. L’endroit est prisé par les adeptes de sensations fortes, nombreux à sauter dans l’un des lacs à partir des falaises hautes de plus de cinq mètres. La couleur turquoise de l’eau, attribuable aux minéraux présents, attire les curieux.

Une dizaine de jeunes de 18 et 19 ans y sont lors de la visite de l’Éveil, un mercredi après-midi fin août, à quelques jours de la rentrée. Les plus téméraires enchaînent les acrobaties. Ici, tout le monde discute et conseille l’autre sur le meilleur endroit pour sauter ou sur la cascade à tenter.

Lors des fins de semaine chaudes et ensoleillées, une « cinquantaine » de personnes peuvent s’y retrouver, affirme un jeune rencontré sur place. Un autre jeune dit visiter l’endroit cinq à six fois par été depuis qu’il l’a découvert avec ses amis.

La sécurité de l’ancien site minier et la possibilité d’infractions ne les inquiètent pas, disent-ils, alléguant ne jamais avoir vu les policiers.

Les jeunes rencontrés aux abords d’un des deux lacs de la mine disent tous avoir connu l’endroit grâce au « bouche-à-oreille ». Certains voisins du site soupçonnent les réseaux sociaux d’avoir contribué à faire connaître l’endroit.

Une interdiction d’accès connue

« Malgré le fait que cet endroit soit interdit d’accès, nous recevons des appels du public concernant la présence de groupes sur les lieux », confirme la porte-parole de la Sûreté du Québec (SQ), Élizabeth Marquis-Guy.

Elle soutient que la SQ fait « des patrouilles préventives régulièrement afin de limiter les rassemblements et de sensibiliser les jeunes aux dangers potentiels ».

« Un constat d’infraction en vertu des règlements municipaux peut être émis lorsqu’il est établi que des individus ont franchi le périmètre défini comme restreint et interdit », rappelle la porte-parole de la SQ. Plusieurs pancartes avertissent les contrevenants qu’ils s’exposent à des amendes allant de 250 $ à 2000 $.

Même si la baignade demeure interdite, l’eau est « assez propre » et « presque potable », assure M. Quevillon. Le danger est surtout lié à la présence de tunnels et de puits d’extraction non sécurisés, les travaux de restauration du site n’étant pas complétés.

Photo : Léa Lemieux
Un jeune se tire à l’eau à l’aide d’une corde installée aux abords du deuxième lac.

Des voisins habitués

« J’ai 51 ans et quand j’étais plus jeune, il y avait des gens qui allaient se baigner là », illustre le maire d’Oka, Pascal Quevillon. Les gens viennent souvent en groupe, se stationnent chez les commerçants tout près et marchent le long du rang Sainte-Sophie pour accéder au terrain, parfois avec glacières, chaises ou objets flottants à la main.

Une voisine s’exaspère du va-et-vient incessant devant sa maison lorsque la température est clémente. Pour d’autres, l’habitude s’est installée.

« Tant qu’il n’y a pas d’accident, tant qu’il n’y a rien qui se passe, ça va. Personne ne me dérange, je n’ai rien à dire contre », considère une résidente. Toutefois, elle aimerait voir revenir une surveillance régulière de l’endroit. « En 2000, il y avait un monsieur qui gardait la mine, qui se promenait en quatre-roues et qui se faisait de la surveillance », explique-t-elle.

« C’est quelque chose que j’aimerais voir revenir parce qu’il y a de plus en plus de jeunes. J’imagine que le bouche-à-oreille fait beaucoup effet », estime la dame. « Ça passe des gangs, des gangs, des gangs. »

Auparavant, les résidents appelaient souvent la police et la municipalité en raison des allées et venues sur le chemin de gravier à côté de la carrière, raconte une autre résidente. La « poussière » engendrée par la circulation sur le gravier dérangeait beaucoup les voisins.

Depuis la mise en place d’interdictions de stationnement en bordure de ce chemin, ils n’appellent plus, dit-elle. « On les laisse aller, tant pis pour eux autres s’ils se font remorquer [chez les commerçants] », lance la citoyenne.

Les jours de beau temps, les stationnements des commerçants près de la carrière se remplissent de voitures des baigneurs de la mine. Face à cette situation, Agropur, le magasin et les sentiers de l’Abbaye d’Oka ont sévi en installant une armée de pancartes « stationnement réservé aux clients » sous peine de remorquage.

Garer sa voiture devient un défi pour ceux souhaitant accéder au site malgré tout, si bien que trois résidentes voisines témoignent avoir reçu des demandes de stationnement dans leur cour de la part de baigneurs.

Photo : Léa Lemieux
L’accès principal au site, sur le rang Sainte-Sophie, est bloqué par une barrière avertissant les contrevenants des amendes de 250 $ à 2000 $ auxquelles ils s’exposent s’ils pénètrent sur le site.

Quel avenir pour l’ancienne mine ?

Le ministère des Ressources naturelles doit mener des travaux de restauration pour sécuriser le site. L’échéance s’allonge, la fin des travaux étant espérée pour 2021 au départ.

Selon le Plan de travail 2024-2025 pour la restauration des sites miniers abandonnés, un budget de 500 000 $ est prévu pour 2024-2025 pour la « poursuite des scénarios de restauration et obtention du rapport final de l’étude géomécanique ».

Le projet de site de plongée est toujours d’actualité, confirme M. Quevillon. Une fois le terrain restauré, le coup d’envoi du projet pourra être sonné. D’ici là, la patience est de mise. « On est patient étant donné que ça ne nous coûte rien et que c’est le ministère des Ressources naturelles qui s’en charge », souligne le maire d’Oka.

Un plan de parc de panneaux solaires sur le terrain de l’ancienne mine est aussi étudié. Si le projet reste embryonnaire pour l’instant, le maire d’Oka souhaite procurer des revenus supplémentaires à la municipalité grâce à la vente de l’énergie qui y serait produite.

La province possède plusieurs sites de plongée et de baignade similaires à celui souhaité par la municipalité, vestiges du passé minier québécois. La carrière Morrison Quarry à Chelsea, en Outaouais, et la carrière Flintkote, à Thetford Mines, en sont des exemples.

La mine a été abandonnée en 1976 par la compagnie St. Lawrence Colombium et rachetée par Oka quelques années plus tard. Le site produisait du niobium, un métal rendant l’acier plus léger et plus fort, qui est utilisé dans l’industrie automobile et aéronautique.

Du début des années 2000 jusqu’en 2016, un nouveau projet de mine de niobium tentait de se concrétiser à cet endroit. Face à une forte opposition des citoyens d’Oka et des Mohawks de Kanesatake, la municipalité avait renoncé à l’idée.

« On a très hâte que le site devienne sécuritaire pour qu’on puisse l’exploiter adéquatement. Une fois que le site de plongée va être en fonction, il va y avoir de la surveillance, donc ça va aussi venir contrôler le problème de baignade illégale », termine le maire.

Léa Lemieux
Journaliste stagiaire