Ça se lit dans son sourire et son regard toujours pétillant, Leila-Marie Chalfoun est une porteuse de joie. Aussi, le mot «bonheur» revient continuellement dans la conversation au moment de faire le bilan de la 8e édition du FestivalOpéra de Saint-Eustache.
L’événement s’est conclu il y a un mois (c’était du 7 au 9 juillet), mais la soprano, qui porte aussi les chapeaux de cofondatrice, directrice générale et directrice artistique, souhaitait d’abord en avoir terminé avec la production des vidéos qui permettront aux absents de voir de quoi il retourne, à tel point qu’on peut y suivre le déroulement entier de l’événement (une section y est consacrée sur le site Web du festival), autant celui de cette année que les éditions précédentes.
«Ç’a été un très grand succès! Ç’a été fantastique!» , s’exclame-t-elle en énumérant les grands moments (quatre spectacles et un concert-causerie) de cette cuvée 2017 qui aura permis au public de savourer les voix et le jeu dramatique des Jean-François Lapointe, Chantal Dionne, Hugo Laporte, Audrey Larose-Zicat, Natalya Gennadi, Arminè Kassabian, Guy Lessard, Valeria Florencio, Kevin Myers, Alejandra Sandoval, Suzanne Taffot et Geoffroy Salvas, autant d’artistes qu’elle admire et qui ont aussi côtoyé les pianistes Jérémie Pelletier et Louise-Andrée Baril, le comédien Alain Duchesneau, le concepteur de costumes Jean Blanchette et le musicologue Pierre Vachon. Ce dernier y a prononcé une conférence intitulée 400 ans d’opéras, tout en s’offrant le luxe de proposer des extraits chantés en direct par les artistes présents.
Par ailleurs, dans un extrait de L’Opéra en fête, spectacle livré par la soprano Valeria Florencio, on aperçoit la diva chanter la célèbre Habanera, de l’opéra Carmen, en déambulant dans la foule. Sauf erreur, on ne voit pas ça souvent à l’opéra.
Démocratiser l’art lyrique
En fait, ce genre de proximité avec le public est au cœur même de la mission, pour ne pas dire la pulsion originelle du FestivalOpéra de Saint-Eustache, né du désir de démocratiser l’art lyrique et de le rendre résolument accessible.
«L’opéra est né dans la rue, il y a 400 ans. Les gens ont tendance à l’oublier parce que c’est devenu tellement chic et élitiste. C’était et ça demeure du théâtre chanté» , souligne-t-elle, tout en reconnaissant que sa pratique n’est pas nécessairement à la portée du premier appareil vocal venu. Il faut, à la base, du talent, mais aussi du travail puisque chanter sans micro, au-dessus d’un orchestre et se faire entendre jusqu’au fond de la salle requiert tout de même un minimum de technique. «Il faut dix ans pour former un chanteur; autant qu’il en faut pour faire un médecin» , compare Mme Chalfoun.
Rendre l’opéra accessible, par ailleurs, c’est offrir un produit reconnaissable (des airs célèbres) sans pour autant négliger les amateurs aguerris qu’on risquerait de s’aliéner. «Je m’arrange toujours pour allier les deux. Des airs connus, des œuvres moins connues, mais toujours de grands compositeurs» , assure Mme Chalfoun.
Rendre l’opéra accessible, c’est aussi l’ouvrir à toutes les bourses. C’est pourquoi les billets les plus chers se vendent 35 $ (on en trouve même à 7 $) au FestivalOpéra. Il y a même un concert gratuit, en plein air, chaque année, qui nous fait découvrir les titulaires des Jeunes Ambassadeurs lyriques, un programme international d’aide et de développement de carrière pour les interprètes les plus talentueux de 18 à 35 ans. «Les gens apprécient énormément. Chaque fois, on brise des records d’assistance» , indique la directrice, pour qui la musique et le chant lyrique sont gages de bonheur. «La voix qui chante nous rend heureux. On ne sait jamais pourquoi, mais ça nous donne la chair de poule. C’est une chose unique qui nous fait du bien, même quand elle nous fait pleurer» , dit-elle.
Et pour l’avenir?
Il y aurait actuellement une entreprise générale de démocratisation de l’art lyrique (même l’Opéra de Montréal offre des billets à 40 $), mais en ce qui concerne Mme Chalfoun, la chose est désormais entendue au FestivalOpéra, tant et si bien qu’on en est à penser à une prochaine étape qui serait d’exporter le produit. «Le festival ne quitterait jamais Saint-Eustache, mais je voudrais que nos productions puissent partir en tournée. Même si on les diffuse en vidéo, je trouve ça dommage que ça s’arrête ici. Il faut toujours avoir un rêve. Nous avons d’excellents artistes, au Québec. Ils sont bien formés, bien développés, il faut les montrer. Au Québec, au Canada et, pourquoi pas, partout dans le monde» , dit-elle.
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